exposition Passage[s] – Celerite de l’intumescence
Catégories Évènement, Exposition, PhotographieAxelle Carruzzo | Pablo Garcia | Julien Garnier | Mounia Kansoussi | Mehdi Melhaoui | Dora Protoulis | Amandine Raynaud
Vernissage : Vendredi 20 avril 2012 à 19h00
Exposition du 21 avril au 17 juin 2012
Espace Louis-Feuillade :
48 bld Lafayette – 34400 Lunel
Si l’exposition « Passage[s] – Célérité de l’intumescence » en est la preuve tangible, c’est avant tout parce qu’elle rend visible cette porosité que l’art contemporain entretien avec le monde, réduit ici au territoire circonscrit de Lunel. Réunissant un ensemble de pièces inédites réalisées par sept jeunes artistes issus de l’École Supérieure des Beaux Arts de Montpellier, et invités par Caroline Muheim et Sylvain Brino, l’exposition s’installe dans les plis d’un territoire particulier et de son histoire. Elle dessine alors le portrait d’une géographie sensible, irréductible dans son essence et dans ses développés à tout relevé topographique ou cartographique.
Derrière l’énigme du titre s’esquisse rapidement l’évocation d’une intumescence, d’une protubérance aujourd’hui disparue, entraînant avec elle la précipitation de son oubli. Par des regards croisés sur l’histoire du Canal de Lunel et de son ancienne situation portuaire, les artistes réunis aujourd’hui, en revisitent l’histoire, en faisant ressurgir son fantôme par le biais de créations résolument contemporaines.
Bénéficiant d’une situation géographique privilégiée, dès le moyen âge Lunel devint un point stratégique dans les échanges commerciaux. Alors qu’en 1248, Philippe le Bel accorda à la ville le monopole de la vente du sel, aux alentours de 1300, commença la construction, depuis l’étang de l’Or, d’un canal qui atteindra la ville en 1718. Le précieux sel, auquel s’ajouta du blé, du fourrage, du charbon, du bois, du vin et tout un tas d’autres denrées destinées à alimenter une cité en plein développement transitèrent alors désormais par le port. Mais suite au déclin du commerce portuaire Lunellois, le canal fut déclassé comme voie navigable en 1937 et le port comblé dans la foulée.
Si l’histoire de ce canal et de ce port fut à la source de l’exposition, la proposition faite aux artistes n’était évidemment pas illustrative. Tous l’ont ainsi déclinée, chacun dans sa vision propre, dans ce qui les agite, en revisitant les territoires intérieurs qui leur permettent d’habiter le monde et de dialoguer avec lui. Les productions qui en résultent redéfinissent alors le fait géographique, le contexte de sa mutation en élargissant ses seules données aux dimensions sociales, psychiques, esthétiques, poétiques et politiques qui lui sont corollaires.
Si la part belle est accordée à la mémoire de ce canal, dont il reste aujourd’hui un tronçon d’une dizaine de kilomètres au départ de la ville et en direction de l’étang, l’exposition rassemble des œuvres qui en retracent tantôt les contours physiques (Amandine Raynaud), tantôt les dynamiques internes qui l’agitent (Mounia Kansoussi). Des oeuvres qui révèlent les zones d’autonomie sociales et utopiques qui en découlent (Pablo Garcia), les vestiges et les ruines en devenir qui s’en extraient (Medhi Melhaoui) ou encore les formes architectoniques ressuscitées qui s’affichent comme point de repère instable d’un territoire mouvant (Julien Garnier). Restent encore et toujours ces petites histoires qui n’ont pas résisté à l’avènement de notre hypermodernité (Dora Protoulis) mais qui dans un même élan côtoient l’Histoire réduite presque, elle aussi au fil du temps, à son mythe (Axelle Carruzzo).
Dans le sillage d’une importante réflexion sur la question du « site » largement menée par les artistes au tournant des années soixante, l’exposition « Passage[s] – Célérité de l’intumescence » participe elle aussi et à sa manière à la transformation d’un territoire donné, par l’attention portée sur ses pliures. Mais en se débarrassant de cette obsession de la mesure et des échelles, de cette volonté, propre à cette première génération d’artistes de dématérialiser l’art, de le sortir à l’extérieur de l’institution, d’en tracer les contours in-situ à même le sol, les œuvres réunies aujourd’hui ici nous invitent à un parcours entre leur réalité physique et la réalité contextuelle qui les a vu naître, celle d’une intumescence oblitérée par le sceau de sa disparition.
Entre deux espaces et deux temporalités bien distinctes, les œuvres de l’exposition « Passage[s] – Célérité de l’intumescence » nous livrent une place de choix à occuper : un « milieu » pour le dire avec Deleuze, à partir duquel toute projection et tout passage en direction du passé, du présent et du futur devient possible.
VIRGINIE LAUVERGNE – critique d’art, avril 2012
— À propos de Virginie Lauvergne
Collaboratrice de Roven (revue critique sur le dessin contemporain), elle écrit par ailleurs régulièrement sur le travail de jeunes plasticiens.
Après une première expérience en 2009 en tant que co-scénariste et assistante de réalisation sur le film « Les Complices » de Nora Martirosyan, elle poursuit aujourd’hui l’expérience avec la réalisatrice autour de l’écriture d’un premier long métrage de fiction en cours de production.
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